Comment faire l’examen cytobactériologique et biochimique du liquide pleural

Temps de lecture: 10 minutes

Nous allons explorer les possibles causes, l’algorithme d’analyse, les microorganismes recherchés et l’intérêt de la cytologie. Bien sûr, l’analyse de paramètres biochimiques sera au rendez-vous également.

Sommaire

Aujourd’hui, il s’agit de se pencher sur l’examen cytobactériologique du liquide pleural. Tout d’abord, nous allons explorer les possibles causes de l’épanchement pleural, ainsi que les éléments recherchés dans un examen cytobactériologique de cet épanchement. A savoir d’un côté les cellules, et de l’autre les microorganismes. Puis nous allons détailler la procédure d’analyse du contrôle qualité de l’ échantillon à l’interprétation des résultats. En passant par la macroscopie, la cytologie, la culture et la microscopie.  

La procédure d’analyse des autres liquides fera l’objet des publications suivantes. Abonnez-vous pour recevoir les publications dans votre boite email.  Et rejoignez-nous sur la page facebook Labomedico pour les récapitulatifs et autres aides-mémoire . Précédemment ici,  nous avions étudié la procédure de coproculture de routine.

Algorithme général de l’analyse

Ci après, avant d’entrer dans les détails, voici un algorithme d’analyse que peut suivre un laboratoire pour le liquide pleural. 

Bien sûr, pour rendre cette procédure applicable dans votre laboratoire, elle doit être validée par votre directeur technique.

Possibles causes de l’ épanchement pleural

Le liquide pleural est le liquide contenu dans l’espace qui se situe entre le poumon et la paroi thoracique.   L’on parle souvent  d’épanchement pleural lorsqu’il s’agit d’un liquide séreux. Les  indications d’une ponction  de l’épanchement pleural peuvent être une suspicion de: 

  • Tuberculose 
  • Tumeur maligne comme un lymphome
  • Embolie pulmonaire 
  • Pneumonie
  • Maladies auto-immunes comme le lupus érythémateux, ou encore la maladie rhumatoïde
  •  ou  enfin un abcès amibien hépatique.

Très souvent, dans les pays en voie de développement, l’ épanchement  pleural est lié  à une tuberculose souvent associée à un statut de PVVIH (Personne Vivant avec le VIH) [1].

Lorsque le liquide pleural est purulent, on parle d’ empyème pleural. Ce dernier peut être associé aux mêmes causes que précédemment, à l’exception des maladies auto-immunes. L’ on peut y ajouter comme causes, une infection de l’hémothorax, ou encore  la rupture d’un abcès à travers le diaphragme. 

 S’il s’agit d’un transsudat, alors nous parlerons d’hydrothorax. Ce qui est possible en  cas d’: 

  • insuffisance cardiaque 
  • syndrome néphrotique 
  • malnutrition sévère 
  • ou encore cirrhose avancée.

Ces différentes circonstances peuvent amener le clinicien à demander un examen cytobactériologique de l’épanchement pleural. Le technicien de laboratoire n’est pas habilité à faire une ponction  de l’épanchement pleural.  L’échantillon arrivé au laboratoire doit passer un contrôle de qualité  qui sera abordé  plus bas

Intérêt biologique de l’examen 

Micro-organismes recherchés

Les micro-organismes recherchés peuvent  être de type respiratoire aérobie et anaérobie. 

Nous pouvons avoir bien sûr Mycobacterium tuberculosis.

Staphylococcus aureus, Streptococcus pneumoniae, Streptococcus pyogenes  figurent parmi les bactéries Gram positif. 

Comme bactérie Gram négatif,  nous avons Haemophilus influenzae,ou des entérobactéries.  Parmi les bactéries anaérobies, nous pouvons avoir: Veillonella, Prevotella, Peptostreptococcus, Bacteroides, Fusobacterium, Actinomycetes

Bien sûr nous pouvons aussi avoir des champignons et des virus. [1].

Vu le large  éventail de micro-organismes possibles mis en cause,  il est important pour le clinicien de bien renseigner la demande d’examen: motif, et renseignements cliniques. Ce sera d’une grande aide notamment au moment de la validation biologique et de l’interprétation des résultats  de l’examen

Intérêt de la cytologie

Il s’agit d’étudier les cellules:  nombre et type.  

L’interprétation de la cytologie sera donné dans le tableau ci- après,  mais déjà il faut savoir qu’elle sert d’orientation pour  trouver la cause probable de l’épanchement [2].

Si l’échantillon n’est ni purulent, ni hémorragique, il faut utiliser le 1er tube citraté pour faire la numération cellulaire  avec une cellule de comptage. Et il faut la compléter par une formule leucocytaire à partir d’un frottis coloré au May-Grunwald Giemsa [1].

Si l’ échantillon est purulent, ou hémorragique, il vaut mieux utiliser le tube sec pour la numération cellulaire et l’analyse biochimique à condition qu’il n ‘ y ait pas de caillot.  

Ci après un tableau récapitulatif des interprétations possibles de la cytologie [2]

CytologieInterprétation
<=5000 cellules/mm3, +++ monocytes et lymphocytesLiquide normal
80 % de lymphocytes  et peu de cellules mésothélialespleurésie tuberculeuse
polynucléaires éosinophilespossible pleurésie bénigne idiopathique
+++ hématiescancer, traumatisme ou embolie pulmonaire

Contrôle qualité de l’échantillon 

Prélèvement du liquide pleural

Pour les besoins de l’examen, 9 ml de  liquide aspiré à la seringue peuvent être déposés de manière aseptisée dans 2 tubes stériles  au citrate de sodium, et bien homogeneisés. Et  2 à 3 ml mis dans un  tube  sec stérile  et observé pour la coagulation . Ce sont le plus souvent les exsudats qui coagulent. 

Le but du prélèvement dans un tube citraté est de prévenir la coagulation,  spécialement pour les exsudats. L’ 1 des tubes peut être utilisé pour la cytologie, la numération cellulaire, la biochimie,  et la microscopie. Et le 2ème pour la culture. 

Le technicien de laboratoire n’est pas habilité à faire ce prélèvement. 

 Conservation, transport et contrôle qualité de l’ échantillon

Les éléments à contrôler à la réception de l’ échantillon sont notamment: 

  • Etiquetage  aux identifiants  du patient
  • Tubes non cassés, qui ne fuient pas
  • Bon type de tube utilisé 
  • Echantillon suffisant
  • Demande d’examen bien remplie: identifiants du patient, motif de demande,  renseignements cliniques. informations de contact en urgence du clinicien, Date et heure de prélèvement

 La température de transport ne doit pas dépasser les 37° Celsius. De plus, les tubes ne doivent pas être directement exposés à la lumière. Il  existe des emballages obéissant aux normes  pour le transport de matière biologique. 

 

Macroscopie de l’échantillon 

Après contrôle qualité et enregistrement, l’ échantillon doit être observé macroscopiquement. Cette observation a valeur d’orientation. Et entrera dans les éléments de validation biologique de l’examen. 

Le tableau suivant permet de faire une première interprétation des résultats d’après la macroscopie [2]. 

MacroscopieInterprétation
Claire,  eau de rocheliquide  normal
Citrin, sero- fibrineuxpleurésie à liquide clair (tuberculose, cancer,  cardiopathie, infection virale)
hémorragique ou rosétumeur de la plèvre,  tuberculose cardiopathie,  embolie pulmonaire
Purulentpleurésie à pyogènes,  tuberculose
Chyleux ou chyliformeriche en  lipides 

Microscopie

 Outre la cytologie, en  microscopie, l’on va chercher à observer les micro-organismes. 

Frottis pour la coloration de Gram et de Ziehl-Neelsen 

 Il faut faire des frottis fins d’un liquide pleural purulent ou alors du culot de centrifugation du  tube citraté non réservé à la culture. Il faut laisser sécher les frottis puis les fixer au méthanol pendant 2 minutes et les colorer au Gram, et au Ziehl-Neelsen [1]

Etat frais

Selon la demande motivée du médecin, si une paragonimose est suspectée, il faut faire un étalement entre lame et lamelle du culot de centrifugation et chercher des œufs de Paragonimus spp.  Si l’examen est positif, il y a souvent également des  polynucléaires éosinophiles. 

Analyse anatomo-cytopathologique

Si  le médecin  demande une telle analyse,   2 frottis du culot de centrifugation peuvent être fixés  à l’éthanol à 95° pendant 20 minutes et envoyés au laboratoire d’anatomie cytopathologique pour  recherche de cellules cancéreuses . 

Analyse biochimique 

 L’analyse biochimique permet de faire la distinction entre:

  •  les transsudats (épanchements d’origine mécanique) et 
  •  les exsudat (épanchement d’origine inflammatoire, tumoral, etc..) 

Plusieurs paramètres peuvent être dosés,  mais généralement le dosage des protéines de LDH permet déjà d’avoir une réponse.

Lorsque le taux de protéines est supérieur à >30 g/l et le LDH supérieur à 240 UI/ l, l’on peut penser qu’il s’agit d’un exsudat [2]

Selon la demande motivée du clinicien, l’ on peut ajouter à ces deux paramètres,  le  glucose, le pH, l’acide hyaluronique, l’ amylase,  et en cas de suspicion de cancer,  l’Antigene Carcino Embryonnaire. 

Analyse bactériologique 

Celle-ci devient nécessaire lorsque l’ échantillon est purulent, et/ou lorsque la cytologie montre plus de quelques  leucocytes [1]. De même si l’analyse biochimique pointe vers un exsudat, c’est un motif de plus pour ensemencer les milieux de culture. 

Dans notre cas nous avons choisi d’ensemencer les géloses :  

  • Chocolat polyvitex, milieu riche où de nombreuses espèces exigeantes comme Haemophilus peuvent pousser
  • Gélose au sang frais: pour les streptocoques (observer particulièrement le type d’hémolyse)
  • Chapman: pour les staphylocoques  ( et observer particulièrement la fermentation du mannitol)
  •  MacConkey: pour la culture des bacilles Gram Négatif
  • Sabouraud + Chloramphénicol: milieu sélectif( à cause du chloramphénicol) pour la culture des levures. 

Les milieux au sang cuit (chocolat)  et frais peuvent être incubés dans une jarre avec une bougie que l’on allume et qui s’éteindra lorsque l’oxygène aura fini d’être consommé. Ce sera donc une atmosphère enrichie en CO2. 

Les autres milieux peuvent être incubés en aérobiose. 

Tous les milieux doivent être incubés à 35-37°  Celsius pendant 24 à 72H avec inspection toutes les 24H et ré-incubation si culture négative.  

En cas de culture positive, et repérage de colonies suspectes,  la suite de l’examen se déroule comme pour toute bactérie ou levure pertinente isolée en Bactériologie et Mycologie. Par l’identification, et l’antibiogramme ou l’antifongigramme. 

Tout comme il est essentiel pour le microbiologiste de savoir repérer les colonies suspectes, ici, l’ échantillon étant normalement stérile, toute colonie est suspecte. Ce qu’il faut faire ici est donc essentiellement de pouvoir discriminer un pathogène réel d’une contamination.  

C’est pourquoi,  de la macroscopie à l’ identification, toutes les étapes doivent être cohérentes afin de valider le résultat positif ou négatif. 

Et bien évidement les contrôles qualité des réactifs et les relevés de métrologie du laboratoire concourent à la fiabilité du résultat et donc à sa validité.  

NB: La culture de bactéries anaérobies requiert un équipement plus contraignant que le matériel de routine. Aussi, si l’on observe une flore mixte de bactéries anaérobies au Gram du liquide pleural, il faut déjà le signaler au clinicien avant d’envoyer l’ échantillon dans un laboratoire spécialisé.

Interprétation du résultat 

En plus de  tous les éléments cités plus haut dans le texte,  ce tableau récapitulatif  permet de se faire une idée de l’interprétation à donner à chaque liquide pleural selon ses caractéristiques. 

Comme le prévoit la norme ISO 15189 le laboratoire est habilité à ajouter un commentaire toutes les fois qu’il le juge  pertinent pour  aider à la prise en charge du patient.

Pour conclure, nous avons d’abord présenté un algorithme général d’analyse cytobactériologique du liquide pleural avant de détailler celui-ci point par point. Nous avons également donné les interprétations possibles de chaque mini-résultat devant entrer dans la validation biologique de l’examen, voire du dossier du patient.

Bibliographie

1.Cheesbrough M.(2010). District Laboratory Practice in Tropical Countries. Part 2. 2nd edition. Cambridge University Press

2.Dieusaert P. (2015). Guide Pratique des Analyses Médicales. Editions Maloine.

Avertissement: La procédure ci-dessus décrite est un exemple. Pour la rendre applicable dans votre laboratoire, elle doit être validée par votre directeur technique.

Les auteures:

-Rédigé par Renée A. LEYEBE, titulaire d’une Licence en Sciences de la Santé, option Analyses Médicales

– Validé par Petronile NGO ETOUNDE, titulaire d’un Master en Microbiologie et Immunologie.

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