Comment analyser une hémoculture: intérêt, procédure et algorithme
Sommaire
- Intérêt clinique et indications d’une hémoculture
- Intérêt biologique et objectifs précis d’une hémoculture
- Principe d’analyse de l’ hémoculture
- Procédure d’analyse
- Bibliographie
L’hémoculture est la culture des microorganismes colonisant le sang. Son intérêt principal est de retrouver les bactéries et champignons responsables de septicémies, bactériémies et mycoses profondes. La procédure consiste essentiellement à incuber du sang de patient dans des bouillons de culture pour germes aérobies et anaérobies. Puis à observer ces milieux à la recherche de signes de croissance. Ensuite, il s’agit de repiquer le bouillon s’il y a des signes de croissance, ou en aveugle s’il n y a pas de signes. En cas de culture positive, le germe est identifié et son antibiogramme ou antifongigramme est fait.
L’hémoculture, ne peut être explorée par un seul article vu la diversité des microorganismes qui peuvent être mis en cause, de même que l’ épidémiologie selon la tranche d’ âge e la population, et même la situation géographique. Plusieurs articles sur notre site en parleront. Ceci n’est qu’un aperçu de la situation générale.
Intérêt clinique et indications d’une hémoculture
Les indications de l’ hémoculture sont:
- Fièvre d’origine inconnue ;
- Confirmation d’une septicémie/bactériémie/mycose ;
- Hyperthermie (température du patient sup. à 38ºC) ;
- Hypothermie (température du patient inf. à 36,5ºC) ;
- Sueurs profuses et/ ou frissons ;
- Choc d’origine inconnue ;
- De manière systématique : tel que chez les enfants atteints d’immuno-dépression profonde (par exemple une neutropénie).
Dans un second article, nous reviendrons sur le tableau clinique des septicémies, et sur la particularité néonatale.
Intérêt biologique et objectifs précis d’une hémoculture
Au laboratoire, l’on fait une hémoculture pour :
- Isoler et identifier les bactéries et levures présentes dans le sang et responsables de septicémies, bactériémies, et mycoses profondes ;
- Rechercher le profil de sensibilité aux antibiotiques et aux antifongiques des microorganismes isolées ;
- Evaluer l’efficacité de la thérapie antibiotique une fois que la septicémie est diagnostiquée, et que le traitement est initié.
L’hémoculture étant un examen d’urgence, il est utile et recommandable de centrifuger une partie du sang prélevée sur EDTA et d’en faire des frottis pour la coloration de Gram (particulièrement lorsque le patient est un nourrisson ou un enfant), Giemsa (pour les hémoparasites) et Ziehl-Neelsen (lorsque le patient est Personne Vivant avec le VH-SIDA).
Les 1ers résultats doivent être immédiatement communiqués au prescripteur.
Principe d’analyse d’ hémoculture
Le sang prélevé de manière aseptique, de préférence avant toute prise d’antibiotiques ou antifongiques par ponction veineuse à la seringue est introduit dans une bouteille contenant un milieu de culture pour bactéries aérobies, et un autre pour bactéries anaérobies.
En général, la culture se développe en 1 à 3 jours. La durée d’incubation d’habitude est de 7 jours [1]. Il est d’usage de d’incuber les flacons 15 à 21 jours de suspicion d’endocardite [5]. Et si l’on soupconne une Brucellose, l’on peut aller jusqu’à 1 mois [2].
Le milieu est observé matin et soir, chaque jour, avant et après avoir été mélangé par plusieurs retournements, à la recherche de signe de croissance microbiologique : colonies, turbidité, hémolyse, formation de gaz, ou encore changement de couleur.
Ci-dessous un tableau montrant l’interprétation des signes de croissance:

Source : Bacterioweb [3]
Si croissance positive
Un frottis du bouillon est coloré au Gram et les milieux de culture choisis selon les observations sont ensemencés en aérobie :
- Staphylocoques sur milieu Mannitol Salt agar, dit encore Chapman
- Bacilles Gram négatif sur Mac Conkey par exemple
- Levures sur Saboureaud+ chloramphenicol
- streptocoques sur Gélose au sang frais (intérêt à observer le type d’hémolyse)
Dans une jarre avec une atmosphère enrichie en CO2 sur gélose chocolat polyvitex:
- Bacilles Gram positif
- Et autres bactéries exigeantes, nécessitant un milieu riche pour la croissance.
Bien sûr, un milieu spécifique à la bactérie particulièrement observée sur le Gram, ou spécialement recherchée par le prescripteur peut être ensemencé.
L’ensemencement des milieux spécifiques de culture peut être réalisé en parallèle du Gram du bouillon. Ceci permet non seulement de gagner du temps, mais aussi de valider l’isolement du germe qui aura été observé à la fois sur le Gram, et sur la gélose.
En cas de croissance négative
Le repiquage est systématique tous les 2 à 3 jours. Encore une fois, ce dernier peut être fait en parallèle du Gram du bouillon, vu l’urgence de trouver la cause et de traiter la septicémie grâce à un antibiogramme spécifique à la bactérie en cause.
En cas de culture positive sur milieux de repiquage
Un Gram de contrôle de la colonie suspecte isolée sur gélose est fait. Ceci avant d’ensemencer la galerie d’identification type API.
La bactérie est ensuite identifié et son antibiogramme/antifongigramme est fait selon la procédure en vigueur dans le laboratoire.
Si une levure a poussé sur le milieu de repiquage, il faut faire le test de filamentation, caractéristique aux Candida albicans, et s’il est négatif, monter la galerie d’identification des Candida, type galerie API Candida.
Candida spp ne sont pas les seules levures à pouvoir causer une mycose profonde. Nous avons nombre de champignons et nous aborderons la question dans un article ultérieur.
En cas de culture négative sur milieux de repiquage
Il faut continuer l’observation des flacons et le repiquage systématique pendant au moins 15 jours. Comme dit plus haut, si une brucellose est suspectée, le délai se porte à 1 mois dans les pratiques laborantines actuelles. Ces pratiques peuvent être remises en cause par des travaux de recherche. A titre d’exemple, cet article remet en cause le délai de 15 à 21 jours d’incubation lorsque l’on suspecte une endocardite.
Et bien que nombre de laboratoires de routine ne disposent pas d’un microscope à fond noir, ceux qui en disposent peuvent porter la culture à 3 mois pour les leptospires.
Procédure de l’hémoculture: algorithme
Ci dessous, un algorithme récapitulatif de l’analyse pour un système manuel utilsant des flacons diphasiques type Castaneda.

Il est souvent utile de réaliser en parallèle l’identification biochimique et l’antibiogramme pour plus délivrer un résultat plus rapide. Il s’agit alors de choisir un panel d’antibiotiques ou antifongiques à tester en se basant sur les résultats des tests d’orientation: catalase, oxydase, uréase etc.
Enconclusion, l’ hémoculture est une urgence au laboratoire de Bactériologie, car elle peut être prescrite lorsque le pronostic vital du patient est en jeu. Cependant, la croissance bactérienne ou fongique peut être lente,voire très lente, comme dans le cas de Brucella. Aussi dans certains cas, le résultat d’un frottis du sang, peut permettre d’initier la thérapie avec un peu plus de précision que le traitement probabiliste.
Bibliographie
1. Cheesbrough M. (2010).District Laboratory Practice In tropical countries.2nd edition Update.Part2.Cambridge University Press
2.Dieusaert P. (2015). Guide Pratique des Analyses Médicales. 6ème édition. Maloine
3.Université de franche Comté.Bacterioweb.Hémoculture.repéré à http://baterioweb.univ-fcomte.fr/bibliotheque/remic/17-Matir.pdf
4.Ploy et al. 2007. Bacteriologie Médicale.Techniques usuelles.
5.Issa et al. (Juin 2018). Quel est le délai de positivité des hémocultures dans l’endocardite infectieuse? Medecine et maladies infectieuses.Volume 48, Issue 4, Supplement. Repéré sur https://doi.org/10.1016/j.medmal.2018.04.179
Avertissement: La procédure ci-dessus décrite est un exemple. Pour la rendre applicable dans votre laboratoire, elle doit être validée par votre directeur technique.
Les auteures:
-Rédigé par Renée A. LEYEBE, titulaire d’une Licence en Sciences de la Santé, option Analyses Médicales

-Validé par Petronile NGO ETOUNDE, titulaire d’un Master en Microbiologie et Immunologie