Comment faire le diagnostic microscopique du paludisme: Goutte épaisse et Frottis sanguin

Temps de lecture: 6 minutes

Intérêt biologique

Les techniques que nous allons présenter ont pour intérêt de dépister, identifier et quantifier Plasmodium sp. dans le sang. Ce sont:

  • La goutte épaisse pour dépister et quantifier
  • Le frottis sanguin pour identifier l’espèce.

D’après Cheesbrough (2010) la goutte épaisse est 30 fois plus sensible que le frottis mince (20 parasites /µl détectables), ce qui en fait un bon outil de dépistage. Particulièrement en cas de basse parasitémie (généralement, c’est le cas de P. malariae).

Le frottis mince permet d’identifier les plasmodii par leurs caractéristiques propres et les déformations subies par les hématies parasitées. Et, c’est un réel plus en cas d’infection mixte. En effet, l’on sait qu’ entre autres symptômes, la fièvre provoquée par les plasmodii se comporte différemment selon les espèces.

Les stades de développement du parasite pouvant être diagnostiqués sont intra-érythrocytaires. Le stade quantifié est  le trophozoite.  Les autres stades sont seulement signalés ( schizontes, gamétocytes).

Sommaire

  • Intérêt biologique
  • Technique de prélèvement
  • Principe
  • Procédure
  • Résultat
  • Contrôle qualité

Technique de Prélèvement

Du sang capillaire ou veineux total peuvent être utilisés. Un culot d’hématies à partir d’un échantillon prélevé sur EDTA peut également être utilisé. C’est d’ailleurs une technique de concentration. L’analyse doit être faite dans les 30 minutes suivant le prélèvement pour un meilleur résultat (Cheesbrough, 2010).

Le prélèvement doit être fait avant de prendre tout médicament antipaludéen. Il faut toujours poser cette question au patient, car cela a une incidence sur la lecture microscopique et l’interprétation du résultat (Cheesbrough, 2010).

Principe

Le principe de l’examen repose sur l’observation microscopique de la goutte épaisse et du frottis sanguin, colorés au Giemsa.

Le principe de détection  et d’identification des formes plasmodiales consiste à retrouver leurs caractéristiques  lors de l’observation microscopique des  :

  • Noyau, généralement rond et rougeâtre
  • Cytoplasme: la teinte peut être différente selon les espèces, mais elle se décline en des nuances de bleu. Ce peut être un critère de discrimination (Organisation Mondiale de la Santé, 2010)
  • Ponctuations de Schüffner dans les hématies parasitées par P. vivax
  • Ponctuations de James qui caractérisent P. ovale
  • Grains de Maurer pour les hématies parasitées par P. falciparum

Ces granulations s’observent sur frottis mince en cas de bonne coloration.

Procédure

Matériel et Réactifs (voir étapes techniques)

Etapes techniques de confection du frottis et coloration

  • Déposer une petite goutte de sang au centre de la lame (5 µl) et une large goutte de 10 µl vers la droite
  • Tirer le frottis avec la goutte du centre, et  étaler la goutte de droite en la défibrinant avec le coin d’une lame par mouvements circulaires.
  • Etiqueter la lame
  • Laisser sécher. Dans l’idéal, une goutte épaisse doit être laissée à sécher toute la nuit (Cheesbrough, 2010)
  • Fixer le frottis mince avec un écouvillon imbibé de méthanol, en veillant à ce que le méthanol ne touche pas la goutte épaisse. Attendre 2 minutes comme temps de fixation avant de passer à la coloration
  • Poser la lame sur les deux barres de bois en travers de l’évier. La couvrir de Giemsa fraîchement préparé. Régler le minuteur pour 15 minutes.
  • Rincer la lame avec douceur et la placer verticalement pour la sécher, afin que les gouttelettes ne forment pas de dépôts de colorant.

Etapes techniques de lecture 

  • Pour la goutte épaisse  à  l’objectif x100 :
    • déposer une goutte d’huile à immersion sur la goutte épaisse. Rechercher les plasmodii. Lire 100 champs (200 champs pour P. malarie car sa parasitémie est souvent peu élevée). Sur un frottis d’environ 2-3 cm x 1-2 cm, 100 champs correspondent à une longeur du frottis.
    • Si des trophozoites de Plasmodium sp. sont présents, compter le nombre de parasites pour 200 leucocytes avec un compteur double à main (Cheesbrough, 2010), ou en faisant par patient un tableau à 2 colonnes tropho/ GB pour les 100 champs .
    • Noter la présence de schizontes, de gamétocytes.

Calculer la parasitémie à partir de la goutte épaisse/ µl de sang comme suit :

  • Méthode 1 : Nbr tropho comptés/Nbr GB comptés x Nbr GB patient par µl de sang.
  • Méthode 2 ( de Greenwood et Armstrong): Moyenne de tropho/  champ dans 10 à 50 champs x 500 (Cheesbrough, 2010).

En cas de parasitémie élévée (« ciel étoilé »), la charge parasitaire se fera sur le frottis mince.

Prendre 8000 GB patient par µl de sang si la numération leucocytaire du patient est inconnue.

Pour le frottis à l’objectif x40 :

  1. repérer les parties à étalement homogène, avec bonne coloration, rechercher une abondance d’éosinophiles;
  2. vérifier que les leucocytes contiennent des pigments de couleur brun-noir, variables en taille, qui souvent apparaissent en cas d’infestation à Plasmodium;
  3. Rechercher les gamétocytes, les schizontes et éventuellement les trophozoites(très petits et invisibles pour P. falciparum). Les parasites de P. malariae et P. ovale sont souvent trouvés aux abords du frottis (Cheesbrough, 2010).

Pour le frottis à l’objectif x100 :

  1. Déposer une goutte d’huile à immersion sur la zone repérée comme homogène.
  2. Sélectionner une zone ayant environ 250 cellules par champ.
  3. Compter le nombre de globules rouges parasités sur 8 champs. Cela fait environ 2000 cellules. Diviser par 20 pour établir le pourcentage parasitaire (Cheesbrough, 2010).

Résultat

 Au microscope, nous observons les images suivantes :

La valeur de référence est la négativité. Dans ce cas, le résultat mentionne ceci : « Recherche négative de trophozoites de Plasmodium sp.». En cas de recherche positive, le résultat doit mentionner :

  • La parasitémie des trophozoites ou la densité d’hématies parasitées en pourcentage
  • Le stade de développement des parasites: trophozoïtes, schizontes, gamétocytes
  • Les espèces de parasites détectées
  • La valeur de référence

Le système de délivrance des résultats par nombre de croix est peu recommandé.

Contrôle qualité

Le contrôle qualité doit s’échelonner sur plusieurs niveaux :

  • Le contrôle qualité des colorants
  • Le contrôle qualité des lames
  • Le contrôle qualité du microscope et le suivi de ses opérations de maintenance
  • Le contrôle qualité du pH de l’eau utilisée pour la dilution du Giemsa.

Pour montrer l’importnace de ce facteur, nous avons l’illustration suivante  qui présente les pH successifs de 6,4 ; 6,8 ; 7,2 ; et 7,6.

Influence du pH sur l’apparence des hématies parasitées et du Plasmodium

Références bibliographiques

  • Cheesbrough, M. (2010). District Laboratory Practice in Tropical Countries. Cambridge: Cambridge Press University.
  • Organisation Mondiale de la Santé. (2010). Techniques de base pour le diagnostic microscopique du paludisme (éd. 2ème édition, Vol. partie I: guide du stagiaire). Genève: OMS.
  • World Health Organization. (2003). Manual for basic technique of a health laboratory (éd. 2nd edition). Geneva: WHO.

Avertissement: La procédure ci-dessus décrite est un exemple. Pour la rendre applicable dans votre laboratoire, elle doit être validée par votre directeur technique.

Les auteures:

-Rédigé par Renée A. LEYEBE, titulaire d’une Licence en Sciences de la Santé, option Analyses Médicales

-Validé par Petronile NGO ETOUNDE,  titulaire d’un Master en Microbiologie et Immunologie.

4.6/5 - (8 votes)